Le Petit futé de la Syrie |
Couverture de la première édition
|
« Alane wa Salane
! »
Vous entendrez souvent cette formule prononcée avec autant de chaleur que de sincérité. Traditionnellement ouverte au commerce, la Syrie a gardé intacts le sens et l'usage de l'hospitalité, quand bien même le pays souffre aujourd'hui d'un relatif isolement international et paie un lourd tribut à l'Histoire. Mais quelle histoire ! Et quel entêtement à vouloir participer aux destinées de l'humanité ! Damas et Alep ne se jalousent-elles pas le titre de plus ancienne cité habitée au monde ? A Mari sur l'Euphrate, à Ebla près d'Alep, les archéologues continuent d'exhumer les vestiges de ce que furent les plus vieilles civilisations. Car c'est ici, dans cette Mésopotamie biblique, qu'il faut venir chercher l'origine des inventions qui sont les fondements de notre monde moderne : l'agriculture, l'Etat, les cités, l'écriture, les sciences... Et lorsque des envahisseurs venus de Grèce, puis de Rome reprendront le flambeau civilisateur, et s'imposeront au Proche-Orient, la Syrie leur fournira épiées et étoffes, blé et huile, portant sur le trône impérial ses propres enfants, et peuplant les panthéons grec et latin de dieux locaux. Elle se couvrira alors de villes splendides dont Palmyre, Apamée et Bosra restent les témoignages les plus émouvants. Au christianisme, Damas
offrira la conversion de saint Paul puis ses premières églises
byzantines ; à l'Islam, sa première capitale d'Empire. Les
siècles passeront, où les envahisseurs déposeront
d'autres empreintes : les Turcs dévalant des steppes asiatiques
remodèlent le paysage des villes antiques qu'ils tapissent de monuments
islamiques. Les croisés, durant plus de deux siècles, s'installent
sur les côtes où ils édifient des chefs-d'œuvre d'art
militaire dont le krak des Chevaliers demeure un modèle du genre.
Les Ottomans achèveront de donner à Damas et Alep leur statut
d'activés villes caravanières. Les derniers "envahisseurs"
viendront d'Europe. De France plus précisément qui, sous
couvert d'un mandat de la Société des Nations, administrera
la Syrie entre 1918 et 1946. Rendue enfin à son identité
arabe, la Syrie cherche depuis lors sa voie dans une région en pleine
effervescence. Et pourtant, c'est un pays calme que vous allez visiter,
où la grouillante activité des centres-villes cède
vite la place au charme des petites ruelles bordées de mosquées
et de riches demeures bourgeoises. A la campagne, votre arrivée
dans un village suscitera beaucoup de curiosité. Il serait bien
étonnant qu'aussitôt, on ne vous offre pas l'hospitalité.
Les touristes sont si rares à s'égarer hors des sentiers
battus ! On réquisitionnera alors un interprète, étudiant
en anglais, professeur de français, ou bien c'est un papi, sommé
pour l'occasion de retrouver son français, qui vous parlera du temps
où la France était présente en ces lieux... Ainsi
se déroule le voyage syrien, tandis que le présent croise
sans cesse le passé et interroge l'avenir. Et peut-être conserverez-vous
de votre séjour une image symbole, celle de ces enfants démunis
de Bosra qui jouent au ballon entre les colonnes d'une riche cité,
de deux mille ans leur aînée...
Yves TRAYNARD
Extrait de l'introduction © Nouvelles Editions de l'Université, 238pp, 1ère édition 1995 |